L'ombre de moi-même - Poème du jour
- PP Danzin
- 14 nov. 2024
- 1 min de lecture
Elle s’échappe en douce, en manteau de mystère,
Et flotte devant moi, parfois juste derrière.
Des copains m’ont soufflé, entre deux coups de rouge,
Qu’ils l’ont vue tituber à la sortie du bouge.
Elle portait mes traits, ma démarche tordue,
La courbe de mes pas, ma jeunesse perdue.
Elle boitait un peu, morne caricature,
Puis elle a disparu dans les phar's des voitures.
Je pars à sa recherche, la vois, lui dis « reviens »,
Ell' fait min' d’obéir, mais elle est déjà loin.
Depuis quelque semaines, ell' se fiche de moi,
Et je compte les jours, orphelin siamois.
On dit qu’on peut très bien vivre sans sa moitié,
Sans ombre sur le dos, sans ce poids à porter.
Quand ell' m’abandonna, j’ai, pour la forme, en vain,
Lancé des cris muets, d’improbables refrains.
Il paraît qu’une nuit, près d'un théâtre obscur,
Ell' jouait Don Quichotte, mon reflet sur le mur
Avec deux autres ombr's sur la façade en bois
Ou d'un moulin à vent ou d'un resto chinois.
On l’a mise au mitard, prise en vagabondage,
Là, ell' traine mes chaines, bagnarde d'un grillage.
Elle imite mes gestes, et moi je tourne en rond,
Me demandant sans cesse, quand nous nous reverrons...
Depuis dans ce silence, ma carcasse en déroute
Recherche son écho sur le pavé des doutes,
Et quand pointe l'aurore, je prie pour la croiser,
Cette ombre de moi-même, jamais apprivoisée.

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