Je brûlerai l'encens

Dames qui m'amusez, bientôt, vous partirez Et je resterai là, au milieu du chemin, Vissé sous ma casquette, en fumant ma Gauloise, Ma Gitane, Ma Viking ou mon tabac d'Espagne ; Et vous pétillerez mes bulles de Champagne ! Et vous sautillerez vers les homm's que je toise, Ceux qui viennent vers vous, un bouquet à la main, Avec les yeux sérieux du prince désiré... Dames qui m'amusez, bientôt, vous partirez ! Je me souviens du jour, où j'ai vu vos beautés, Sous l’œil noir déprimé de vos arrache-cœurs. Vos charmes piétinés, vos rêves méprisés, Et vos lèvres séchées d'avoir si mal reçu... J'ai su rapidement, sans en être déçu, Que vous aimiez encore celui qui vous brisait. Vous étiez bien tombées, je connaissais par cœur : Le remède à vos maux, c'est de vous mériter. Je me souviens du jour, où j'ai vu vos beautés... Je vous ai dessinées, sans jamais vous mentir, Couchées sur le papier, en rimes féminines, Souligné vos talents, et contredit vos dieux, Colorié vos noirceurs et gommé vos nuages, Et même vos défauts me plaisaient davantage... Ils pimentaient ma vie et vous vous sentiez mieux, Peut-être enfin comprises, mes anti-héroïnes ! Muses de mon musée, où il fait bon guérir, Je vous ai dessinées, sans jamais vous mentir... Dames qui m'amusez, je brûlerai l'encens, Plus tard, après le deuil, quand il fera printemps, Et je serais ému, encore en y songeant, De l'instant où j'ai vu, Ultime privilège, Vos masques exploser dans un éclat de neige ! Renaître de vos bouches, vos fossettes d'enfants, Le sourir' de vos larmes, devant mon cœur changeant, Cette minute folle où l'amour a un sens. Dames qui m'amusez, je brûlerai l'encens...