Le verre devin
Aujourd'hui, l'aube est rouge et je l'accable. Il pleut et Verneuil se mélancolise. J'ai pris ton ballon resté sur la table, La robe raccourcie par gourmandise. J'ai fermé les yeux et j'ai dû rêver ; Tu dansais heureuse une farandole, Une ronde vive... Au milieu d'un songe... Dans une clairière... Parmi les girolles... Près d'une rivière... Où des enfants plongent... Ô sacré verre de vin Dont je m'abreuve... Divin et devin, J'en ai la preuve... J'ai bu une larme et j'ai frissonné, Après avoir humé son doux parfum. Moi qui étais Bouche, je devenais Nez Et je découvrais l'essence de la faim. J'ai ressenti se poser sur mes lèvres, Un baiser moelleux, gouleyant et rond, Comme l'ivresse d'une nuit de fièvre, Entre tes bras d'amante vigneron. Ô sacré verre de vin Dont je m'abreuve... Divin et devin, J'en ai la preuve... Quelqu’un arriva. J'ai laissé la coupe, La robe plus courte d'une gorgée... C'était un ami, venu en chaloupe, Qui vola le verre et le but d'emblée. Maintenant, je sais ce qu'est l'impatience... Que rien n'est acquis à l'homme gourmet ! Le butor se sert, pendant que je pense Que ton corps ne m'appartiendra jamais. Ô sacré verre de vin Dont je m'abreuve... Divin et devin, J'en ai la preuve..
Tableau : Casimir Krakowiak