Si vous voulez savoir
Non, rien n'est immuable, si vous voulez savoir. Il se peut qu'un matin, la saison ait changé, Que je vous voie plus bell' que vous n'étiez hier... Pour que mon cœur s'emballe, qu'il arrache le lierre, Que mon regard s'affame, la raison en congés, Il faut que votre main tremble un nouvel espoir... Non, rien n'est immuable, si vous voulez savoir. Comme cette question semble tant vous hanter, Que vous m'interrogez sur ce bon sentiment, Il est pur et sincère, trois fois que j'y réponds. J'aime votre présence, nos marches sur le pont Et entendre le rire de vos yeux pétillants, Contempler avec vous le soleil se coucher... Puisque cette question semble tant vous hanter... Jouer aux devinettes, je le pourrais aussi. Et vous, êtes-vous sur' que tout soit bien figé ? Que jamais ne fleurisse, au printemps, le crocus, La magie du safran, que j'invoque en rébus, Qui sublime le goût quand il est partagé... Etes-vous bien certaine que tout soit bien écrit ? Jouer aux devinettes, je le pourrais aussi... Je peux vous rassurer, mais dire que jamais Je ne désirerai autre chos' qu'une bise... Rien d'autre qu'écouter vos histoires de femme, Parler de nos voyages, fouler le macadam, Chanter, danser, sourire, en gardant la maîtrise D'un sentiment gratuit, aujourd'hui je le sais. Je peux vous rassurer. Mais dire que jamais... Je ne vous promets pas, pour l'instant je l'ignore ! Faut-il à l' alchimist' changer l'or en argent ? Ou est-ce que l'aveugl' pressent mieux que le sourd ? Je suis bien incapable de répondre en ce jour. Arrêtons d'y songer, il n'y a rien d'urgent, Et s'il se transformait, vous le sauriez si fort ! Je ne vous promets pas, pour l'instant je l'ignore...
Tableau : Fernand Léger