Fantasme d'un printemps
Le temps est amoureux, il effeuille les arbres, Un peu, passionnément ou jusqu'à la folie... Avec ses grands bras nus, il prépare le lit; Un drap sur le sentier, l'édredon sur le marbre, Un oreiller de mousse et un matelas d'eau... La jolie couverture, façonnée de fougères, Est rouge flamboyant comme un paquet cadeau ! Le temps est amoureux, ce n'est plus un mystère ! Son cœur bat la chamade à force de l'attendre, En se remémorant le goût des fruits d'été, De sa bouche myrtille et ses cheveux de blé, Par les matins bleutés, quand se lever est tendre... Le rossignol chantait de sa voix malicieuse, Cette folle aventur' de la Terre et du Temps, Cette histoire annuell' mais ô combien précieuse, Qui justifie la vie et fait naître l'enfant... Le soleil leur sourit, puis arrive l'automne, Comme chacun le sait, n'est pas le bon moment, Pour demander l’aumône à la jolie maman, A la veuve de mai, Belle qui s'en étonne... Et pourtant, il l'invite à danser dans le vent, Tournoyer dans le ciel une valse d'amour, Sa robe de soirée, véritable glamour, Avant de l'embrasser d'un baiser plus fervent... Puis il ferma les yeux, pour mieux vivre l'instant. Le temps de les rouvrir, il étreignait le vide. Disparue la danseuse, juste de l'air humide, Et les larmes du ciel pour le pauvre Tristan ... Il hurla au destin que rien n'était écrit, Qu'il la rechercherait dans toutes les saisons ! La Lune en eut pitié et lui donna raison : - A la fin de l'hiver, Amour je te prescris ! Alors le Temps rentra dans son lit de novembre, Sur la table de nuit, il posa le réveil, Régla le chant d'oiseau sur l'heure des abeilles, Puis la neige arriva et recouvrit sa chambre... A la fonte des glaces, la chanson résonnait, Ses paupières cousues brisèrent le lacet, Sur son front alangui, des lèvres le brûlaient, Les branches du printemps venaient de l'enlacer.
Tableau : Jacek Yerka