Joyeuses âmes y versèrent...

Puisqu'il faut la fêter, l'escale, fêtons-la ! Louons-la, chantons-la, mais souhaitons-la vite ! Que demain l'on reprenne la voile gonflée, Les chemins infinis de la nuit anthracite, Par les vents qui nous frappent, nous, pauvres tequilas, Dans nos vieux duffle-coats, à peine emmitouflés.

Puisqu'une année sur l’eau, nous change en goélands, Nous sommes devenus de drôl’s d'oiseaux de mers, Inaptes aux grandes plaines, boiteux en pleine ville, Et ne sommes heureux, nous les enfants d'Homère, Qu'au milieu des flots bleus, cinglant vers Magellan, Voguant jusqu'au Cap Horn, debout sur nos barils...

Mais aujourd'hui aimons ! C'est un anniversaire ! C'est celui que je dois à la mère de ma mère, De l'avoir mise au monde pour enfanter un jour, Un môme qui s'émeut avec des yeux lucides, Perché en haut d'un mat comme d'un abat-jour, Au moment où Soleil et Lune coïncident.

Buvons à la santé des disparus en mer, Nous, les heureux veinards du loto des Tempêtes ! Trinquons à nos amours ou à nos descendances ! Ne pensons plus, rions, ce soir se paye en fête, Mes amis, mes trésors, ne soyez plus amers, Plus tard, nous partirons, dansons la Providence !

C'est une farandole, ôtons nos falbalas ! Ensemble camarades, mettons nos coeurs à nu, Embrassons goulûment nos âmes qui lévitent, Nous ne serons bientôt plus vraiment inconnus... Puisqu'il faut la fêter, l'escale, fêtons-la ! Louons-la, chantons-la, mais souhaitons-la vite !