Chemin de Novembre
Voilà Novembre qui se goinfre de lumière, Qui dévore les jours et givre à la cuillère L'aube forestière en de fabuleux bijoux. Une écharpe de brume au dessus du ruisseau, Qui ravit le naïf au milieu des pinceaux, C'est le Douanier Rousseau, du bleu gris plein les joues ! Je pars en promenade au bras de mon absente, Réchauffé d'une absinthe, j'entame la pente Qui mène à la mare devenue silencieuse. Juste la voix du vent sifflant dans les roseaux, Disparus la rainette et le chant des oiseaux, Le concert des abeilles et leur joie travailleuse… Je parcours du regard la rigole qui gronde, Je ricoche un caillou pour réveiller de l'onde, Le diable qui y vit depuis bien des légendes ; Et son rire puissant me parvient en torrent, Dans le cri d'une pie plagiant un cormoran, Que mon chat a fait fuir et que je réprimande. Voici qu'il commence à pleuvoir des feuilles mortes, Et des lettres d'espoir à glisser sous les portes, Sous le rare soleil, Brumaire qui frémit... Mon cœur se raccommode sous mon pull-over En cette heure imprévue de rebattre en hiver, Je l'entends qui palpite, je l'entends qui gémit.
Tableau : Henri Rousseau