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Arlequin de Toussaint


Un fantôme vint à courir Comme une brise dans les branches ; Ma Bell' de nuit à la peau blanche Frissonna dans le souvenir D'un homme à la tête citrouille, Vêtu comme un Napoléon, La main dans un manteau trop long, Qui l'avait oxydée de rouille ! Un arlequin, sur un tréteau, Déguisé en vieux fossoyeur Funambulait sur ce ghetto D'amours mortes et de voyeurs. Les spectateurs restaient muets, Des coeurs bossus et des sorciers, Des tout-boiteux, des échassiers, Et sur la scène, un menuet... C'est Arlequin dans la lumière Qui danse au rythme du tocsin, Puis virevolte, puis accélère Pour conjurer cette Toussaint ! Il prit la Belle en cavalière Et ils valsèrent en équilibre, Sur le long fil de leurs hiers, Jusqu'à se sentir enfin libres ! Quand ils rejoignirent l'étoile De Colombine et de Pierrot, L'aube avait nettoyé d'un voile, Les morts vivants, les toreros... Ils étaient loin de l'affreux piège Qu'avait prévue la part de l'ombre Qu'ils avaient enfouie sous la neige De leurs stigmates les plus sombres... Ils étaient à présent serrés, L'un contre l'autr', c'était si beau, Que le soleil fut sidéré, Et transforma en paquebot, Un nuage blanc et si pur, Qu'il stupéfia les fées du Gange, Dans le grand cortège des anges, Qui les escortaient dans l'Azur.

Tableau : Remedios Varo Uranga


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