2 Danzin hôpital psychiatrique stéphanois ! par Michel Kemper
Merci Michel Kemper et à NosEnchanteurs, le Quotidien de la chanson, pour ce joli papier numérique ! Très touchés par votre chronique de ce moment suspendu dans ce lieu "chanson", pas si improbable que ça !
"5 octobre 2022, Clinique de Saint-Victor-sur-Loire,
Elle se prénomme Pascale, est cheffe psy de l’hôpital de jour de cette clinique perdue en pleine nature, au milieu de nulle part, formidable cadre champêtre propice au repos. C’est d’ailleurs fait pour ça : ici on traite les troubles de l’humeur, les psychoses et les addictions, loin de la folie du monde… Pascale y est cheffe et ne le sera bientôt plus : c’est pour elle l’heure de la sortie, retraite amplement méritée. Ça fait trente-et-un an qu’elle exerce ici. Pour quitter son poste en beauté, elle s’est offert un superbe cadeau, et l’a offert en même temps à ses collègues et, peu avant, à une trentaine de patients : le récital d’un chanteur. Pas n’importe lequel, pas un quelconque Obispo ou Pagny, c’eut été affreusement banal et sans intérêt. Non : son coup de foudre fut pour les frères Danzin, Pierre-Paul et Alex. Singulier cadeau ce mercredi-là dans une salle de l’hôpital de jour.
Bien entendu, on sait que, de plus en plus souvent, les artistes quittent les scènes pour d’autres plus sobres, plus intimes aussi : les Chant’apparts font jolies tâches d’huile. Et parfois en d’autres lieux, plus rares, en tout point insolites, comme celui-ci. Là, sont présents le personnel dispo à ce moment ainsi que d’autres soignants qui, par intermittence, se libèrent de leur service, le temps de deux ou trois chansons, histoire de profiter de ce moment pas pareil. En fait, à part la cheffe, un public neuf à la chanson…
Sans doute existe-t-il dans les salles voisines le matériel médical pour décrypter l’ADN de Pierre-Paul. Mais nul n’en est besoin vraiment : y a du Brassens et du Renaud, du Leprest et, plus subtilement peut-être, un peu de Brel et une voix qui, parfois, prend des accents de Bécaud. Et du Danzin, un très grand artiste qu’on ne connaît que trop peu…
« Faire entrer la musique, la poésie, la belle chanson dans cet établissement » appelle de ses vœux Pascale. De la poésie sociale, pour être juste, avec les Danzin : « Maintenant c’est l’instant / D’un tout nouveau départ / Il nous reste à soigner / Il nous reste à chanter… » Une poésie d’espoir et de combats, qui ne courbe pas l’échine, qui « donne de la force au petit / Et peut franchir bien des murailles / Fait d’un mouton un insoumis / Et pour Verlaine briller la paille »
Evidente et belle complicité entre frangins, l’un au chant l’autre au chœur, l’un à la guitare, l’autre à la clarinette et à la flûte à bec.
De ces notes, de ces mots chaque fois plus enthousiasmants, personne n’en perd la moindre miette : je dois avouer avoir rarement vu public si attentif que celui-ci. Qui d’ailleurs est mis à contribution, histoire d’entériner sa Mauvaise réputation : et voici qu’en cette assemblée de blouses blanches Brassens s’invite franchement. « Chansons cliniques et accords hospitaliers » comme se plaît à dire Pierre-Paul, toujours est-il qu’il résonne en cette salle beaucoup de bonheur, de ce plaisir d’offrir cette joie de recevoir qui va si bien à toute chanson, à celle-ci en particulier. C’est sûr qu’il va rester de ce récital des souvenirs, des mélodies plus entêtantes que d’autres, des bribes de chansons comme celle de cette ouvrière devant la porte de l’usine, un jour de licenciement. Comme cette ode à l’Utopie, en un monde rêvé où « on paye en sourires le prix de nos loyers ». Le répertoire de Danzin à l’allure d’une , solide, puissante, dont les mots peuvent sans mal défier les aléas du temps. C’est une solide pierre posée au mur de la chanson. "
Michel Kemper
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